SOMMAIRE
L'alphabétisation: une menace et un souhait
par Kathleen
Rockhill
Kathleen Rockhill enseigne dans le département de
l'Education des adultes à OISE (Institut des études
pédagogiques de l'Ontario). Ceci est un extrait d'un article qu'elle
présenta à la Conférence sur les femmes et
l'éducation qui se déroula à Vancouver en 1987. Une
version corrigée de l'article complet apparaîtra dans "Women in
Education: Perspectives", dont les rédactrices sont Jane Gaskell et
Arlene McLaren et que publieront prochainement les Entreprises Detselig
Limitées de Calgary.
Dans son article, Rockhill remet en question les
hypothèses sur lesquelles se fonde à l'heure actuelle le travail
effectué dans le domaine de l'alphabétisation. Elle rejette la
notion selon laquelle si l'apprenant apprend et si l'enseignant enseigne,
l'alphabétisation peut se faire avec succès. En s'appuyant sur
les recherches qu'elle a effectuées parmi des Latino-Américaines
en Californie, elle démontre que les réalités de la vie de
l'apprenante, en particulier celle qui veut que l'homme la domine, sont autant
d'obstacles qui empêchent son apprentissage. Elle cite entre autres Maia,
à laquelle elle fit passer une entrevue dans le petit appartement
où elle vit avec son mari.
Je ne veux pas être une femme d'intérieur
toute ma vie. Je voudrais être quelqu'un... Je voudrais sortir et
discuter avec des gens, travailler, faire quelque chose d'intéressant,
aider quelqu'un. Mais c'est terrible parce qu'ils disent "tu es une femme, tu
dois rester à la maison, tu dois préparer le dîner". Il
faut tout faire.
Celle qui est alphabétisée détient un
certain pouvoir, dit Rockhill. Beaucoup tomberont d'accord pour affirmer qu'il
s'agit d'une équation simpliste. Mais c'est pourtant sur cette
hypothèse fondamentale qu'on se guide dans le domaine de
l'alphabétisation. Le pouvoir de l'alphabétisation a surtout
été formulé en termes économiques. Pour l'individu,
celle-ci signifie ne plus être pauvre, pour une nation de pouvoir se
développer. De façon plus radicale, on accorde à
l'alphabétisation un pouvoir politique, c'est-à-dire qu'elle
représente un tremplin à la résistance en cas d'oppression
politique et économique, une clef pour une transformation
révolutionnaire. Rockhill remet en question cette hypothèse car
elle croit que l'alphabétisation ayant différentes
répercussions dans la vie des femmes, elle renferme en elle le pouvoir
de changer les choses mais représente en même temps une
menace. |