ÉDITORIAL

L'aide aux étudiants - Le cas des
mères célibataires
par Aisla Thomson en collaboration
avec Sande Copland

    Je frémis toujours à l'idée d'avoir à demander au gouvernement une aide quelconque. Faire une demande pour obtenir un prêt d'étudiante est un vrai casse-tête. Si seulement je pouvais m'en passer...

    Il ne faut pas oublier non plus les coupures budgétaires de ces derniers temps. On m'avait dit que, d'année en année, il devenait plus difficile d'obtenir un prêt d'étudiant. Cette année, je me trouve malheureusement parmi ceux dont le dossier a été rejeté.

     Je subviens à mes besoins et à ceux de ma fille (née de mon premier mariage) avec un revenu fixe (pension alimentaire et emplois temporaires). Je vis avec un conjoint de fait, mais il ne me soutient pas financièrement. Pourtant, d'après les règlements gouvernementaux (il faut fournir une photocopie), on est censés être soutenus par la personne qui règle les frais d'assurance-maladie de l'Alberta. De plus, les revenus de mon compagnon doivent apparaître sur mon formulaire de demande. On m'a dit que le plafond des revenus mensuels est de 1260$. Je suis loin de gagner cette somme, et pourtant on tient compte des revenus de mon conjoint (dont il se sert pour rembourser son énorme prêt d'étudiant). Je suis donc pénalisée.

    Ma demande de prêt a non seulement été rejetée, mais on m'a aussi dit que j'aurais dû avoir plus d'économies. Ni mon compagnon ni moi n'en avons au bout de tant d'années d'études. Je suis allée à l'université de septembre 1986 à août 1987. Et bien que j'aie travaillé pendant l'été, je ne touchais guère plus du salaire minimum. J'ai pourtant réussi à payer tous mes frais d'inscription (printemps et été) et d'autres encore. Inutile de dire que tous ces soi-disant revenus se sont envolés rapidement et que je n'ai pu faire de folies.

    On m'a parlé de la possibilité de faire appel. Mais j'ai déjà suffisamment de mal à m'en sortir avec tous mes cours, mon travail et autres soucis sans avoir encore à me buter aux embêtements que crée le conseil étudiant des finances. Et même si je fais appel, il faudra que j'attende des mois avant qu'une décision soit prise dans un sens ou dans l'autre et, en plus, il faut que je continue à vivre d'ici là.

      Le fardeau est lourd pour les femmes qui veulent poursuivre leurs études. Le problème s'aggrave lorsqu'on a affaire à une machine bureaucratique dépassée, dure et appliquant une politique discriminatoire. Les barrières n'ont pas encore été abattues. Les préjugés effacés. Les conseils des finances du gouvernement pénalisent les femmes en fonction de leur vie privée et de leur statut marital. Rien de surprenant donc à ce que je panique à l'idée d'avoir à faire une demande, sans compter les obstacles que je dois franchir sur le campus lui-même.

Sande Copland,
Edmonton, Alberta

    Le dilemme de Sande n'est pas unique. Conformément au Programme d'aide aux étudiants de l'Ontario, les parents célibataires, qui comptent surtout des femmes, ont été récemment avertis qu'ils ne recevraient que la subvention de l'aide aux étudiants et non pas la portion du prêt. La raison invoquée est la suivante: parmi les étudiants qui reçoivent des prêts, les parents célibataires sont parmi les plus nombreux à ne pas rembourser régulièrement le leur. Si on leur accorde des subventions plus importantes et de moindres prêts, le paiement de leur dette se trouvera diminuer.

    Ces étudiants sont victimes de mesures discriminatoires en raison de leur statut marital. Les subventions restant minimes, les parents célibataires recevront moins d'argent pour poursuivre leurs études!

    Le gouvernement de l'Ontario a annulé sa décision en raison des pressions qu'ont exercées sur lui les mères célibataires qui étudient et les organismes féministes. Mais la victoire risque d'être vide de sens. À court terme, les parents célibataires bénéficieront plus d'une aide aux étudiants combinant prêt et subvention, mais à long terme il faudra tout de même se préoccuper des questions financières de plus grande envergure et des préjugés latents dont souffrent les étudiantes.

    En dépit des progrès qui ont été effectués dans le domaine des droits de la personne et de l'égalité, on considère toujours les femmes comme étant à charge quand elles font une demande d'aide aux étudiants. Une femme mariée doit déclarer les revenus de la famille, et non pas son revenu s'il y a lieu, lorsqu'elle fait une demande pour recevoir une aide financière. Le gouvernement part du principe que son mari est prêt à payer ses études. Comme le soulignait Kathleen Rockhill dans son article sur les femmes et l'alphabétisation (Printemps 1987), une des façons de saboter l'apprentissage des femmes est de donner la possibilité à un homme de mettre un terme à son aide financière ou autre.

    À Terre-Neuve, cette dépendance va encore plus loin. Les mères célibataires qui retournent chez leurs parents perdent leur statut de parent célibataire. Le gouvernement part donc du principe que les autres membres de la famille vont la faire vivre et vont même s'occuper de son enfant gratuitement!

    Au Nouveau-Brunswick, une mère célibataire peut obtenir une lettre de son médecin disant que son mari ou son compagnon ne participe pas financièrement à ses études. Si cela ouvre une porte de sortie à celles qui sont au courant de cette échappatoire, il ne s'agit en aucune façon d'une solution valable.



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