ÉDITORIAL



Un programme de formation pour qui?

par Aisla Thomson

Mais attendez une minute. Le Programme de préparation à l'emploi pour les femmes --le projet pilote mis sur pied en 1983 par le CCPEF pour appuyer les femmes, leur faire acquérir des connaissances pratiques et leur présenter les choix qui s'offrent à elles pour parfaire leur éducation, leur emploi et leur vie propose des cours de formation aux hommes?!

À L'ATTENTION
DES HOMMES ET DES FEMMES QUI TOUCHENT LES PRESTATIONS D'ASSURANCE-CHÔMAGE

Le programme de préparation à l'emploi offre des cours de formation aux hommes et aux femmes qui touchent les prestations d'assurance- chômage. Inscrivez-vous DÈS AUJOURD'HUI en téléphonant au Programme de préparation à l'emploi pour les femmes.

Depuis l'adoption en 1982 de la Loi nationale sur la formation, le CCPEF a surveillé les programmes de formation pour les femmes au Canada. L'organisme a été témoin de la baisse constante des subventions allouées à la formation. Il s'est insurgé contre la diminution très nette du nombre de femmes qui sont acceptées à des cours de formation, d'alphabétisation et de recyclage. Il a prôné l'équité en matière d'emploi et l'équité salariale et a recommandé que le secteur des métiers spécialisés et de la technologie soit davantage ouvert aux femmes. Plus récemment, il a assisté à l'érosion des programmes sociaux, au virage brutal des politiques gouvernementales et à la redéfinition de «personnes les plus nécessiteuses».

Aujourd'hui, les craintes que nous avions à propos des contrecoups que subiraient les femmes et de la concurrence que déclencherait le manque d'argent deviennent réalité. Les programmes de femmes sont présumés élastiques: un luxe dans une économie saine, un pavé pendant une récession.

Extrait d'une petite annonce parue dans le Regina Sun le 14 novembre 1993.

Le Programme de préparation à l'emploi pour les femmes est un modèle en matière de formation. Il a été adapté et appliqué à tout un éventail de situations. L'organisme Women Interested in Successful Employment (WISE) gère le programme dans deux communautés de Terre-Neuve et la liste d'attente des femmes qui désirent avoir accès à ses services est longue. L'objectif du programme de rattrapage pilote était de pallier les obstacles situationnels, systémiques et dispositionnels auxquels se heurtent les femmes, le but ultime étant que celles-ci deviennent économiquement indépendantes.

Le fait que l'accent ait changé en matière de formation et ait été mis sur les personnes au chômage depuis peu et touchant les prestations de l'assurance-chômage a eu des effets désastreux sur les marginaux de notre société, en particulier sur les femmes. On se sert de l'argent consacré à la formation pour les personnes qui ont le plus de chances de réussir, c'est-à-dire celles qui ont déjà des compétences, détiennent un diplôme universitaire, ont déjà une expérience professionnelle. En raison de ce revirement, les rentrants et les nouveaux venus sur le marché du travail, les immigrants, les personnes handicapées, les personnes sans grande éducation et les travailleurs sous-employés sont laissés pour compte.

Ce sont pourtant ces personnes-mêmes que les programmes de préparation à l'emploi étaient sensés servir. Les programmes de rattrapage pour les femmes reconnaissent que les femmes ont besoin de programmes et d'un milieu positifs, sûrs, réconfortants et axés sur elles pour donner leur pleine mesure. En acceptant des hommes au programme, on nie les principes sur lesquels celui-ci se fonde.

Si l'on veut tirer le meilleur parti du réservoir humain que représentent les femmes, il faut alors mettre en place les systèmes d'appui et les structures et politiques habilitantes nécessaires, tant dans les institutions publiques que dans le secteur privé. II faut inciter les employeurs à mettre davantage l'accent sur la formation en milieu de travail pour les femmes et à former les femmes en tenant autant compte de leur potentiel que de leur niveau de compétences courant. La formation des femmes doit être considérée comme un investissement plutôt que comme un risque.

Comme on l'a montré dans tous les articles de ce numéro spécial sur la formation des femmes, il y a encore un long chemin à parcourir avant que le besoin d'avoir des programmes de rattrapage et des programmes axés sur les femmes disparaisse. En dépit de ce que nous avons gagné avec les lois sur l'équité en matière d'emploi et l'équité salariale, il nous faut encore travailler fort pour assurer l'équité en matière d'éducation et de formation.

Aisla Thomson est directrice générale du CCPEF.



Back Contents Next