VERS UNE DÉSEXISATION DE L'ÉDUCATION

Claudie Solar

L'éducation est un des piliers de notre société. Elle a été l'un des chevaux de bataille du mouvement des femmes pendant des siècles et demeure un terrain de revendications important. Quels changements désirons-nous dans une perspective d'avenir? Où aimerions-nous que les femmes reçoivent demain?

Je vous livre ici quelques réflexions sur ce thème. Je commencerai par un bref rappel historique pour ensuite regarder les critiques actuelles de l'éducation et voir les changements qui peuvent être apportés.

Historique

Une grande part de l'histoire de l'éducation des filles se résume au fait qu'il n'y en avait pas. Il faut entendre par là que l'éducation des filles était strictement familiale. Ce n'est qu'au début du 19e siècle que l'éducation sort de la famille. Au Québec, par exemple, l'éducation scolaire des filles est assurée par les religieuses et s'articule autour de deux pôles majeurs: l'éducation religieuse et les travaux féminins. Même si cette éducation est surtout réservée à une élite, elle donnera le pas à l'éducation des filles quand celle-ci deviendra plus généralisée. C'est ainsi que pour les filles, l'éducation se fonde sur une conception d'une "nature féminine" spécifique qui est loin d'être l'apanage du Québec seul.

Cette conception d'une éducation différenciée selon le sexe a prévalu au "Québec jusqu'à la Révolution tranquille des années 1960 et a connu son apogée dans les années 1940, avec L'Abbé Albert Tessier et ses "écoles du bonheur".

Aussi, si les premières revendications des femmes en matière d'éducation ont porté sur le droit à l'éducation, la deuxième vague s'est centrée sur une éducation non fondée sur une nature spécifique des femmes, c'est-à-dire sur une éducation identique à celle des garçons. De fait, ce qui s'est passé dans les années 1960 au Québec, c'est que les filles ont eu accès aux mêmes écoles que les garçons. Ce faisant, elles ont intégré un système d'éducation à l'élaboration duquel les femmes n'avaient pas participé. Elles ont intégré un système pensé par les hommes, pour les hommes.

On peut dire que la troisième vague de revendications féministes en matière d'éducation porte sur la dénonciation de sa masculinité ou, comme le titre Dale Spender, sur le paradigme patriarcal de l'éducation.

L'ensemble des luttes, depuis leur, début, ont en commun de vouloir faire,- reconnaître socialement l'importance, de la éducation des filles, et par ricochet l'importance des femmes.

La masculinité de l'éducation et les changements à promouvoir

C'est aux alentours des années 1970 qu'émerge cette troisième vague de revendications. Les critiques portent sur tous les niveaux. En voici quelques-unes.

Tout d'abord, on dénonce le sexisme à l'école, sexisme qui se révèle sous de multiples facettes.

  1. Celui dans les attitudes et les comportements du personnel, notamment du personnel enseignant. Les caractéristiques masculines sont plus valorisées que les féminines, ce qui influe sur le développement du concept du soi chez l'élève. L'homme est pris comme standard, comme norme en terme de maturité et de compétence. On attend des garçons qu'ils soient masculins, dominants et indépendants; des filles, qu'elles soient féminines, soumises et dépendantes. De plus, dès le préscolaire, on semble accorder plus d'attention aux garçons qu'aux filles. D'après Lisa Serbin, les garçons reçoivent plus d'instructions et ont de plus longues conversations avec les professeurs. Il faut donc porter attention aux filles, les valoriser. Mais il faut aussi leur donner le droit à la parole et ne pas trivialiser cette parole. Combien de fois laisse-t-on les garçons et les hommes parler plus souvent, plus longtemps? Combien de fois les éducateurs et éducatrices qualifient-ils ou qualifient-elles les interventions des garçons comme pertinentes, intéressantes, intelligentes? Combien de fois celles des filles demeurent ignorées... sinon ridiculisées? Il faut pour changer, apprendre aux filles à parler, leur donner la parole; apprendre aussi aux garçons que la parole des femmes est tout aussi bonne et valable que la leur.


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