Mais de quoi parlons-nous quand nous parlons d'égalité? De droits à l'égalité. Car aucune définition ne semble faire l'unanimité. Comme l'a expliqué Francine Fournier, ancienne présidente de la Commission des droits de la personne, première femme chef de Cabinet au Canada, une distinction s'impose entre l'égalité formelle et l'égalité réelle. La première comprend l'égalité juridique et politique. La seconde l'égalité économique, sociale et culturelle. Or, la charte canadienne énonce spécifiquement les droits à l'égalité au niveau civil et politique mais ne contient pas de dispositions précises sur les droits sociaux et économiques. Comme Francine Fournier l'a souligné, il faut concilier ces deux types de droit, leur porter une attention égale. "Il ne faut pas se leurrer et croire que la charte fera de notre société une société égalitaire. L'égalité sociale implique de toute évidence une redistribution des richesses. Le droit à l'éducation, à un niveau de vie décent, font partie intrinsèque des droits à l'égalité."

Revenons-en à la discrimination, dont il existe bien des formes. La première, la plus familière, est la discrimination individuelle qui peut-être intentionnelle ou non. Exemple intentionnel? C'est le cas d'un employeur qui refuse une promotion à une femme, pensant qu'elle ne saura pas exercer d'autorité sur le personnel. Non intentionnelle? C'est le cas d'un employeur qui refuse un candidat souffrant d'une déviation de la colonne vertébrale parce qu'il croit de bonne foi, mais à tort, que ce handicap empêchera le candidat de faire son travail. "L'expérience concrète des

commissions des droits de la personne au Canada nous permet de conclure sans hésitation que la discrimination individuelle existe, qu'elle est souvent intentionnelle et même malicieuse, a dit Francine Fournier (les exemples précédents ont été cités par elle lors du symposium). La seconde forme de discrimination se traduit par un traitement inégal vis à vis d'un groupe sans qu'intervienne l'intention (classification d'emploi différente pour les femmes et pour les hommes). Enfin, il y a la discrimination systémique, qui résulte de pratiques apparemment neutres, mais adverses à certains groupes (normes de poids et de hauteur minimales dans certains corps professionnels qui éliminent automatiquement les femmes par exemple).

Autre aspect problématique: le droit à l'égalité implique le respect des différences. Si égalité signifiait identité, similarité, la poursuite de l'égalité pourrait mener à la répression de différences culturelles, nationales, religieuses, linguistiques que veulent garder à tout prix les minorités. Il faut donc prendre garde que l'accès à l'égalité ne devienne pas un prétexte permettant d'éliminer des différences qu'il est essentiel de préserver. (L'un des conférenciers a eu ce bon mot, qui illustre bien l'absurdité de pousser à l'extrême certaines situations. "C'est vrai, je veux avoir le droit de m'asseoir n'importe où dans l'autobus quand je vais à l'aéroport (pas de places réservées aux Blancs, d'autres aux Noirs). Mais quand j'arrive à l'aéroport, je ne veux surtout pas avoir le droit d'exiger de m'asseoir à la place du pilote!")

À partir d'avril 1985, donc, les mouvements de promotion de la femme, les groupes de défense des minorités visibles, les associations de handicapés devront surveiller les événements et agir pour faire valoir leurs droits à l'égalité, pour préserver leurs différences, et pour s'assurer qu'un groupe ne défend pas ses droits aux dépens d'un autre. Mais une chose reste certaine: en dépit de l'espoir que fait miroiter l'article 15 de la charte des droits, on pressent que pour arriver véritablement à l'équité il faudra des modifications qui dépassent de beaucoup le cadre juridique. Les textes de loi et les programmes spéciaux d'accès à l'égalité sont de toute évidence essentiels, mais leur portée restera limitée sans de profonds changements dans les attitudes et dans la mentalité de la société canadienne.

Sophie Arthaud travaille comme traductrice et journaliste à Toronto.




SYMPOSIUM ON EQUALITY RIGHTS

(English Precis)

Although legislation protecting the equal human rights of all Canadians has been on the books for many years, it remains a fact that inequalities have been allowed to exist and perpetuate among many social groups. Women earn two-thirds the salary of men; the life expectancy of Amerindians is lower than that of Whites; the 22% of Canadian families below the poverty line stay there. There is legislation, but little in the way of real social equality.

In April 1985, Equality Provision of the Canadian Charter of Rights and Freedoms comes into effect, and with it, the possibility that a constitutional guarantee of civil equality will open a path for action on social reform.

A recent symposium uniting professionals in the fields of law, education, human rights, labor, and business as well as representatives of minority groups foresaw problems with the Equality Provision (section 15). "Temporary inequalities" needed to redress entrenched biases might be resisted. Examples set by government may not be followed by the private sector. And above all, an "equality provision" does not provide equality. That is up to us.



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