Sois mâle et tais-toi!

Par Karen Messing

Quand j'étudiais en biologie à McGill, j'ai afficl1e un jour sur le babillard du département un tableau avec les proportions de femmes et d'hommes selon le cycle universitaire ou la catégorie de professeurs. Forte de ma compétence en statistique et de mon féminisme--les deux tout neufs--j'ai montré que la proportion de femmes diminuait de façon très hautement significative quand on montait l'échelle. Aujourd'hui, 15 ans plus tard, à McGill comme ailleurs au Québec, les femmes sont tout autant mal réparties à travers les départements de science. Elles sont aussi tout autant absences des prix Nobel en sciences en 1990 qu'en 1975. Et ce, malgré 15 ans de conscientisation, de recherches, voire de luttes féministes.

Est-ce que la tentative de Marc Lépine en vue d'évacuer les femmes des postes en science a été superflue?

Doit-on en conclure que les femmes ne sont pas à leur place en science? Est-ce que la tentative de Marc Lépine en vue d'évacuer les femmes des postes non traditionnels en science a été superflue, puisque son but aurait été atteint par des forces naturelles?

Aujourd'hui, on fait face à un discours selon lequel il n'y aurait plus de problème pour les femmes en sciences, quand elles sont vraiment excellentes. Par contre, des études (et le simple fait d'ouvrir les yeux) montrent que les femmes sont sous-réprésentées, qu'elles publient moins, qu'elles ont moins bien percé dans les réseaux scientifiques internationaux que les hommes. Est-ce qu'on en conclut que les chercheuses sont en général moins excellentes que les chercheurs à cause d'un chromosome X en trop?

En bonne généticienne, j'ai une hypothèse à proposer: une femme a tout autant de chances qu'un homme d'être considérée comme une excellente chercheuse, à deux seules conditions: ne pas avoir d'enfants et ne pas paraître femme. En février dernier, avec unne collègue, je dînais avec le responsable d'un programme qui subventionne des travaux de notre équipe. Il nous conseillait de nous départir d'une collaboratrice parce qu'elle n'était pas "fiable", étant très en retard pour le dépôt d'un rapport.

Nous avons souligné en vain qu'elle avait accouché en décembre et qu'elle avait produit beaucoup de rapports pendant l'année, malgré l'existence de ses deux autres enfants, âgés de 4 et 5 ans. Nous avons été forcées d'admettre que non, elle ne retournait pas toujours les appels à temps. Non, elle n'avait pas publié d'articles dans des revues avec jury cette année. Non, elle n'était effectivement pas très fiable de ce temps-ci. Ce monsieur réitéra son conseil: ne travailler qu'avec des gens professionnels et fiables.

Be a man, or be quiet!

by Karen Messing

When I was studying Biology at McGill, I realized that the proportion of women in science decreased significantly the higher one looked up the academic hierarchy. Since things are much the same today, is it possible to conclude that women are just not as competent researchers as men as result of one chromosome X too many?

As, a geneticist, my hypothesis is that women can be considered equal scientists with men on two conditions: that they don't have any children and don't appear to be women.

For example, not long ago a position was filled in my department for whom the qualifications included a doctorate. Two candidates presented themselves: a women who had a doctorate, a year of post-doctoral research, and several publication credits; a man who had not finished doctorate and had never been published. After several hours of discussion, the decision was finally made with reference to a clause in our collective agreement that, given "equal competence," the job should go to a woman.

But sexism is not always so subtle. There are professors who appear to take pleasure in humiliating the female students in their courses, like the one who told his class that women could not be industrial designers since they are incapable of seeing in three dimensions.

The solidarity of women working in science is imperative to give us the support not only to demonstrate our excellence, but also to identify the obstacles we face and call them by name.



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