Le nouveau modèle de vie familiale et communautaire que doivent inventer les Fransaskoises a aussi à tenir compte des changements que provoquent les mariages mixtes de plus en plus nombreux. Comment prendre des décisions qui protègent les traditions fransaskoises dans ces familles de langue mixte, sans nier au ou à la partenaire non-francophone ses droits? Sans vouloir dicter de nouvelles moeurs familiales, on ne peut pas non plus reléguer ces questions au domaine du privé en demandant à chaque couple d'inventer de toutes pièces leurs propres solutions. Il s'agit d'un changement social qui doit être traité comme tel.

4. Les Fransaskoises ont toutes les capacités voulues pour exprimer leurs réalités actuelles et planifier leur avenir. Elles ont droit aux ressources, à l'information et au soutien nécessaires pour faire ce travail collectif.

Leur exclusion historique des structures décisionnelles et une tendance générale à considérer leurs difficultés comme des "problèmes personnels" qui doivent être résolus dans le cadre du cercle intime, posent des défis importants aux femmes qui désirent participer à l'évolution de la communauté fransaskoises. Or, selon l'expérience du mouvement féministe, œ qui semble être le problème personnel d'une femme isolée est très souvent le symptôme d'un changement social qui force une remise en question d'anciennes valeurs et de modes de vie. Ce n'est qu'en échangeant leurs expériences que les femmes pourront s'attaquer aux racines sociales de ces problèmes et établir des priorités qui correspondent à leur véritable vécu. Pour prendre pleinement part à une nouvelle stratégie de développement communautaire, les Fransaskoises doivent se regrouper pour tracer un tableau collectif de leur situation actuelle et prendre des décisions qui affecteront surtout les femmes. Il est important que les préoccupations des femmes soient respectées et perçues comme des défis à relever par toute la communauté au lieu de les considérer comme des difficultés spécifiques aux femmes.

5. Les Fransaskoises ont intérêt à célébrer la diversité dans leurs organismes ainsi que dans leur communauté.

Les Fransaskoises ont besoin de groupes et d'organismes qui reflètent la multitude de leur situation et les divers rôles qu'elles jouent. Pendant trop longtemps, les femmes ont souffert car on leur imposait des modèles de féminité, véritables carcans, qui ne correspondaient pas à leurs vraies expériences de vie et de travail, et les isolaient les unes des autres. Combien de femmes ont luné contre l'intériorisation de fausses contradictions entre "carrière ou famille", "belle ou intelligente", "être aimée ou être compétente"?

La femme contemporaine doit jouer plusieurs rôles dans une même journée et ces rôles changent au cours de sa vie; de plus, les relations entre les hommes et les femmes, entre les femmes elles-mêmes et entre les parents et les enfants ont beaucoup évolué, d'où l'importance d'accepter toute femme sans porter de jugements sur son style de vie. Il faut non seulement tolérer la diversité, mais la célébrer comme une force. La socialisation des femmes encourage la valorisation des qualités uniques de chaque personne et une reconnaissance de la valeur de toute contribution.

C'est grâce à cette vision que le mouvement des femmes a développé en matière d'organisation une tradition non hiérarchique et participatoire qui s'exprime le plus souvent par le recours au cercle plutôt qu'à la pyramide comme modèle organisationnel de base. C'est ce modèle que la Fédération provinciale des Fransaskoises a privilégié comme structure organisationnelle pour célébrer la diversité de toutes les Fransaskoises. Ce modèle vise à identifier, à valoriser les différences et à s'en servir pour célébrer la richesse des organisations et des communautés de la Saskatchewan d'aujourd'hui.

Françoise Sigur-Cloutier est directrice-générale de la Fédération provinciale des Fransaskoises.

1. Ce "club" est mentionné par Micheline Desjardins dans Les Femmes de la diaspora canadienne française, publication de la FNFCF.
   
   
2. Le Discours des Fransaskoises a été rédigé par Catherine Graham suite à une consultation des Fransaskoises a l'été 1990, puis revu, corrigé et approuvé par les leaders des groupes le 15 septembre 1990.