Briser le silence en milieu pédagogique

par Jeannine M. Ouellette

Au fur et à mesure que nous dévoilons les visages cachés du vécu des femmes, la violence occupe une place de plus en plus dérangeante et indéniable. Le slogan lancé par les féministes dans les années soixante-dix, "le privé est politique" évoquait l'urgence et le besoin d'abattre le mur du silence qui avait maintenu jusque-là les femmes et les filles violentées dans un état d'isolement nourri par la peur des représailles et des jugements portés contre elles. Heureusement, dans le contexte social actuel, nous discutons plus ouvertement de la problématique de la violence masculine et nous reconnaissons de plus en plus le droit absolu des femmes de vivre une vie sans violence et libre de contraintes.

Parmi les femmes qui suivent des cours, certaines peuvent être survivantes d'inceste ou d'un viol ou encore habiter avec un homme violent.

Nous constatons toutefois que plusieurs facettes de cette problématique n'ont pas encore été suffisamment explorées, notamment l'impact de la violence exercée contre les femmes dans le milieu pédagogique. Quels problèmes peuvent exister pour les femmes violentées lorsque celles-ci sont guidées par des hommes dans leurs projets d'apprentissage? Ainsi, cet article tente d'examiner quelques aspects de la relation professeur (homme)/étudiante (femme) afin de mettre en lumière certains problèmes vécus par des femmes qui ont été, ou sont victimes de violence masculine.

L'étudiante adulte: l'importance
d'une vision holistique

Toute femme joue un rôle dans la formation de sa personnalité et de son identité, mais plusieurs forces (historiques, sociologiques, familiales et culturelles) agissent également sur l'ensemble des femmes et exercent une forte influence sur la façon dont elles se perçoivent. Chaque femme se compose donc de diverses "parties", qui rassemblées, lui confèrent son identité propre. Il 'ne faut pas négliger le fait que parmi ces diverses "parties", il peut y avoir des "parties blessées".

Ces blessures peuvent lui avoir été infligées dans l'enfance, à l'adolescence ou à l'âge adulte. Elles se fondent au bagage personnel des femmes et contribuent à former leur concept de soi, en tant que femme, et en tant qu'apprenante (self-as-learner). Il est important de souligner que ce bagage n'est pas déposé à la porte d'une salle de classe et qu'il influence, de manière consciente ou inconsciente, les projets d'apprentissage des étudiantes adultes et leur rapport général au savoir (1).

Breaking the pedagogical silence

by Jeannine M. Ouellette

The impact of violence can be felt in a variety of ways by women in a learning situation: the environment itself may stir up painful memories; the attitudes of male professors may make a student feel like a victim; women may be silent and submissive in the face of masculine authority as a result of their experiences with violence; the problem of sexual harassment by a professor may be compounded by the resemblance of this situation to one of incest.

Because of their experience of violence, women often internalize negative messages about their personal worth, their social status, and their rights as a person and a woman. In a classroom, these messages often translate into a paralysing fear of claiming the right to speak and to take up physical space, and contribute directly to the silencing of women. Among any women who are taking a course, some may be survivors of incest or of rape; others may be living with a partner who is violent. It is important to remember that these experiences cannot be deposited at the door of a classroom and they will influence, consciously or unconsciously, the manner in which a student learns.

In order that women regain their dignity, and have the opportunity to expand their capacity to learn, educational institutions must help break the cycle of silence and demystify masculine authority, partly by including knowledge by and about women in all curriculum. Knowledge itself must also be redefined as incomplete, dynamic and alive. Canadian university statistics show that women now make up the majority of the student population. For a healthy and constructive learning environment, we cannot continue to ignore the lived reality of women's lives.



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