De plus, plusieurs rapports et entrevues indiquent que le monde de la réadaptation n'est pas différent de l'ensemble de la société. Souvent, on encourage encore discrètement la femme handicapée à demeurer chez elle, l'essentiel étant qu'elle soit capable de se débrouiller à la maison. Pendant ce temps, on incite davantage les hommes à retourner sur le marché du travail et à jouer leur rôle de pourvoyeur. Peut-on y émettre ici l'hypothèse que la réadaptation pour les femmes handicapées est moins axée sur l'orientation et la formation professionnelle? Est-ce que la qualité des services de réadaptation est la même pour les hommes que pour les femmes? La question est lancée.

Pour une adolescente ayant un handicap, les modèles positifs sont pratiquement absents.

Il demeure que, selon le rapport Femme et handicap datant de 1987, les chercheuses affirment que l'oppression causée par le handicap est tellement grande qu'on oublie toutes les autres caractéristiques d'une personne, sexe, âge, classe sociale, orientation sexuelle par exemple. En résumé nous pouvons donc dire que cette oppression du handicap transcende toute les autres.

Parfois même, elle est la seule forme d'oppression que les femmes handicapées reconnaissent. Elle est tellement omniprésente qu'elle masque les inégalités, les discriminations que dont font l'objet les femmes handicapées en raison de leur identité sexuelle. Par conséquent, une grande majorité d'entre elles ne sont pas ou peu sensibilisées aux luttes et aux possibilités de solidarité avec l'ensemble des femmes sur des problèmes communs.

Trop souvent, les femmes ont reçu une éducation minime, car leur milieu ne croit pas en leur possibilité d'accéder au marché du travail. Elles n'ont pas une image positive d'elles-mêmes, s'isolent et acquièrent moins d'expérience et de confiance que les hommes handicapés. Elles se maintiennent donc au bas de l'échelle et évidemment, sont plus susceptibles de rester à la maison.

Par conséquent, pour une adolescente ayant un handicap, les modèles positifs sont pratiquement absents. Il lui est bien difficile alors de trouver la motivation nécessaire pour rester à l'école. De plus, des témoignages confirment que ce qui est difficile pour ces adolescentes c'est la solitude. C'est de ne pas pouvoir compter sur des amies pour sortir, faire tes expériences d'adolescence.

Un autre facteur souvent passé sous silence et qui pourtant a des répercussions importantes sur l'intégration et la participation des femmes handicapées à la société, c'est la violence. Les femmes vivant avec un handicap présentent une vulnérabilité particulière parce qu'elles sont prestataires de services multiples, essentiels à leur qualité de vie, dont les services de maintien à domicile au de transport adapté.

Elles sont donc plus vulnérables à la violence physique ou psychologique parce qu'elles ne sont souvent pas en mesure de se défendre ou de fuir. Elles ont aussi plus de difficultés à dénoncer leur agresseur, car elles ont peur de perdre les services dont elles sont malheureusement dépendantes.

Le dossier des femmes handicapées commence à susciter quelque intérêt, autant dans les groupes de personnes handicapés, que dans les groupes de femmes. Nous ne sommes' pas encore très nombreuses, mais nous sentons que les femmes ont besoin de discuter entre elles de ce qu'elle vivent. Nous pensons que notre réalité est bien différente de celle des hommes vivant avec un handicap. Du moins beaucoup plus douloureuse et difficile.

Il ne faut pas oublier que le portrait type de la femme handicapée qui vit au Québec en 1996, c'est une femme qui vit seule ou dans sa famille, sans emploi, sans beaucoup de scolarité, sous le seuil de la pauvreté. Elle vit donc de prestations d'aide sociale et si elle a des enfants, elle se retrouve souvent à la tête d'une famille monoparentale. Et, pour compléter ce tableau, la moitié de ces femmes ont connu la violence.

Donc pour les femmes vivant avec un handicap, l'accès à l'information devient une vraie course à obstacles dont les résultats sont encore très décevants puisque les services sont inaccessibles. Comment compte tenu de la situation, ne pas voir que la faible participation des femmes handicapées dans les établissement d'études supérieures est due à leur situation. Fortes de cet exemple, nous pouvons aussi affirmer qu'elle se heurtent à une double discrimination: celle d'être femmes et celle d'être handicapées.

Lucie Gagnon est actuellement étudiante au doctorat en sociologie à l'Université Laval.



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