Kay: Il va falloir que nous arrivions à les persuader, en termes économiques, que ce serait préférable pour l'emploi et préférable pour l'économie. Après la Seconde guerre mondiale, nous avons converti tout le système de production militaire en production civile. Ce n'est plus le cas; les biens civils ne font plus défaut.

Mais les services sociaux de toutes sortes font défaut. Et puis il y a les problèmes du PCB et des pluies acides à résoudre. Sur le plan du logement, la situation est catastrophique. Il ya très peu de logements à loyer modéré.

Il existe des données montrant les milliards de dollars consacrés à la production militaire et les emplois qui en découlent, en comparaison de la construction, de l'éducation, des services sociaux, des communications et des autres industries où on obtient souvent deux fois le nombre d'emplois par dollar.

Susan: Qu'est-ce que les femmes ont à apporter au mouvement de la paix?

Kay: Beaucoup croient qu'il faut étudier ce que les femmes ont fait jusqu'à présent, au Canada et ailleurs, pour mettre au point de nouvelles méthodes de négociation. Marion Dewar en est un extraordinaire exemple. Quand les autochtones ont marché vers Ottawa pour revendiquer leurs droits constitutionnels, un climat de tension s'est établi dans la ville. La police était inquiète et a commencé à ériger des barricades devant les bâtiments du Parlement. La mairesse a déclaré qu'elle allait voir ce qu'elle pouvait faire et a demandé aux habitants d'Ottawa d'accueillir ces gens.

Cela n'a peut-être rien changé à l'attitude du gouvernement fédéral envers les autochtones, mais cela a permis de créer de bonnes relations et d'aborder de manière constructive une situation de tension. Les femmes ne s'inquiètent pas trop de sauver la face. Elles ne s'en tiennent pas à une position. Elles sont davantage prêtes à dire: "C'est la limite. Il faut que nous fassions cela et ce que nous voulons, c'est chercher comment y arriver!" Les femmes présument que les deux côtés travaillent ensemble pour arriver à un consensus qui satisfasse tout le monde. Si vous entreprenez quelque chose avec un esprit positif, cela fait beaucoup de différence par la suite.

J'étais avec un groupe de femmes canadiennes qui a visité les installations de l'OTAN en Europe il y a quelques années. Nous avons eu l'occasion de voir les hommes en service, en dehors des rencontres officielles, et nous nous sommes rendu compte que nous parlions à deux niveaux complètement différents quand il s'agissait des problèmes à résoudre. Les hommes parlaient de négocier en fonction de la force et du succès de l'OTAN car l'Europe n'avait pas connu de guerre depuis quarante années.

C'était sur cela que s'appuyait leur jugement. Alors que nous partions, une des femmes a dit: "Vous me rappelez mes enfants. Vous êtes comme deux petits garçons qui jouent dans la cour et se menacent avec une batte de base-ball. Croyez-vous que je devrais proposer un fusil à l'un d'eux, lui disant de mettre fin au conflit, ou que je devrais leur proposer quelque chose d'un peu plus positif et constructif pour leur faire oublier tout cela?" Bien sûr, les hommes n'ont guère apprécié. Mais cela soulignait bien en quoi l'approche des femmes est différente dans le règlement des conflits.

Susan: Faut-il un mouvement des femmes pour la paix, distinct du mouvement général pour la paix?

Kay: Je crois que oui. De la même manière qu'il faut un mouvement des femmes. Le mouvement général pour la paix est surtout axé sur de grands problèmes immédiats, comme les essais des missiles Cruise et la Guerre des étoiles. Les organisations féministes qui luttent pour la paix ont une vue à plus long terme et plus globale des problèmes.