Je n'ai pas vécu le problème des Palestiniennes, ça s'est passé dans les ateliers sur le développement international. Mais n'oublions pas que les journaux recherchent le sensationnel: il n'ont retenu que l'atelier où c'était plus chaud alors qu'à côté, ça se déroulait normalement dans vingt ou trente autres salles. Il n'y a pas eu de couverture des médias sur les femmes handicapées par exemple, pourtant, elles avaient des choses à dire.

L: On a soulevé aussi l'attitude des Françaises face à l'excision.

C: C'est toujours triste de généraliser. Dire: les Françaises, les Palestiniennes, les Américaines. Mais il y avait effectivement certaines Françaises qui avaient une mentalité impérialiste. Ce que les Africaines leur disaient, c'était: "Laissez-nous régler nos problèmes et aidez-nous quand nous en avons besoin." C'est terrible de voir comment certaines femmes manquent de délicatesse, de diplomatie, de respect, de sens politique en quelque sorte.

L: Les Africaines, où en sont elles?

C: Au Fortin, il y avait beaucoup d'universitaires, de travailleuses communautaires, de représentantes de groupes de femmes équivalant à l'A.F.E.A.S. ou à la F.F.O.

Elles venaient de différents pays d'Afrique et certaines ne parlaient ni anglais ni français.

Les Africaines sont diverses... J'ai découvert que beaucoup étaient voilées au Kenya. Il y a un progrès constant du Khomeinysme... Ce sont surtout les femmes de la ville qui étaient au Forum. Les conditions de vie des paysannes sont très pénibles. Et les femmes en agriculture sont majoritaires.

L: Comment communiquiez-vous?

C: Elles nous touchaient, nous regardaient... Dans l'ensemble toutes ces femmes étaient avides d'informations... Elles posaient des questions qui pouvaient nous sembler, à nous, naïves; elles découvraient des tabous, comme le lesbianisme, et voulaient comprendre.

L: Quelle idée globale de la situation des femmes dans le monde t'es-tu faite?

C: Dans l'émisphère Nord, ça se ressemble. Disons globalement qu'on retrouve les problèmes Nord/Sud: c'est très clair.

L: Est-ce que les femmes du Tiers-monde ont manifesté le besoin d'avoir un apport des femmes des pays mieux nantis?

imageC: Le système actuel exploite le Tiers-Monde. Mais plus il y aura d'agents multiplicateurs, les représentantes de groupes de femmes par exemple, et de leaders d'opinion qui en seront conscients - et plus les changements pourront se faire. Les femmes de là-bas trouvent important de nous sensibiliser. Nous avons des expériences à partager: voyons-en les limites et ne nous prenons pas pour d'autres. Elles sont prêtes, oui, à recevoir un certain type d'aide. Elles ont besoin d'éducation mais surtout d'information.

L: Quelle est l'utilité de ce genre de conférence?

C: Il ne faut pas espérer revenir avec trop de données quantitatives ni non plus faire les rencontres de votre vie: on court trop d'un atelier à l'autre.

C'est un événement trop gros et en même temps, c'est important qu'il soit si gros: on se rend compte à quel point on fait partie de quelque chose qui est global.

Je suis sûre qu'il y aura des retombées, des alliances dans toutes sortes de domaines, absolument inattendues et qui surprendront peut-être les gouvernements.

L: Nairobi, qu'est-ce que ça a changé pour toi?

C: J'ai encore du mal à en parler. (Pause: l'émotion nous gagne.) J'aimerais beaucoup travailler sur le plan international. Il faut bâtir des ponts.



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