En 1986, après la naissance de mon fils, j'ai dû quitter mon poste de directrice générale à l'Association des Franco-yukonnais parce que je ne pouvais plus me prêter aux exigences de celui-ci: fréquents voyages à l'extérieur du territoire, nombreuses réunions de dernière minute et heures supplémentaires à satiété. Aujourd'hui, au bout d'un an de vaines recherches ou presque - j'ai été rédactrice en chef bénévole à l'Aurore boréale, journal des Franco-yukonnais la vérité se révèle peu prometteuse: à Whitehorse, un diplôme d'études secondaires en anglais vaut davantage qu'un baccalauréat en études françaises. Mon diplôme, qui déjà au Québec ne vaut pas grand-chose, ne mène carrément nulle part en milieu anglophone.

Poursuivre sa scolarité un sentier parsème d'embûches

La nécessité d'enrichir ma scolarité se fait pressante si je veux trouver un emploi permanent qui réponde à mes intérêts et à mes aspirations et qui fasse usage de mes compétences. Tout n'est pas si facile cependant...

Certes, le Yukon est un endroit où l'on peut encore prendre le temps de voir passer les jours, soit. Si cet isolement lui confère une grande partie de son charme, il est aussi la cause d'une carence de ressources dans plusieurs domaines, notamment dans celui de l'éducation.

Bien que le territoire ait vu des progrès énormes s'accomplir dans le secteur de l'éducation post-secondaire, citons les programmes de l'Université de Colombie-Britannique au Collège du Yukon et les cours collégiaux eux-mêmes, il n'en reste pas moins qu'il est impossible à l'heure actuelle de terminer un baccalauréat sans quitter le Yukon. En ce qui me concerne, mon désir d'entreprendre une maîtrise à Whitehorse frise l'insanité... Sans parler des barrières linguistiques que j'aurais à surmonter puisque mon sujet de maîtrise porte sur l'enseignement du français en milieu minoritaire et que pour des raisons pratiques évidentes, il privilégie une démarche en français.

Après avoir mené ma petite enquête pour découvrir comment je pourrais enrichir et perfectionner mes compétences au Yukon, je reviens bredouille. Maîtrise en éducation, certificat en enseignement, en traduction, en journalisme, tout m'oblige à laisser le territoire pendant au moins un an. En outre, le choix de cours offerts au Collège du Yukon est plutôt restreint et ne m'emballe guère. Au bout du compte, c'est toujours l'exil... Naïvement, je croyais qu'il me serait possible de faire ici une maîtrise en éducation, en français...Je rêvais. J'imaginais que des échanges entre les universités canadiennes étaient du domaine du possible: une maîtrise préparée au Collège du Yukon en choisissant des cours parmi les programmes offerts par l'Université de Colombie-Britannique, un ou une tuteur (trice) à Whitehorse, un ou une superviseur(seuse)à Vancouver ou au Québec selon les universités participant à l'échange, une correspondance suivie et d'occasionnels coups de téléphone entre les intervenants, et le tour était joué...

Je m'aperçois que mes idées de coopération entre universités canadiennes sont utopiques. Le coordonnateur des programmes de l'Université de Colombie-Britannique me l'a clairement fait savoir; lui-même se trouve dans une impasse à ce niveau et envisage de se tourner vers les États Unis, où les possibilités semblent plus grandes. Triste réalité.

Programme de formation pas pour tout le monde

Par la force des choses, mon idée de retour aux études est reléguée aux oubliettes. Je n'abandonne toutefois pas la partie et pour ne rien laisser au hasard, je vais voir du côté du Ministère fédéral de l'Emploi qui possède de nombreux programmes visant à aider les personnes défavorisées sur le plan de l'emploi. Femme, francophone et en chômage depuis un an, je représente avec ces trois caractéristiques la clientèle-type d'un des programmes de formation. Celui-ci cherche à aider les gens à réintégrer le marché du travail.

Avec l'Association des Franco-yukonnais, on élabore donc un projet spécial qui me permettrait de continuer à produire le seul journal francophone du Yukon - tâche dont je m'acquitte depuis déjà plusieurs mois- de toucher un salaire et d'acquérir une bonne formation en journalisme, en photographie, en graphisme, etc. L'agente responsable du programme à Emploi et Immigration Canada refroidit bien vite les espoirs que je caressais: d'une part, elle ne croit pas que le fait d'être francophone soit un handicap pour trouver un emploi, et d'autre part elle ne me considère pas éligible au programme puisque j'ai déjà une formation universitaire, peu importe si elle me sert à rien au Yukon. Je pourrais contester ce non-sens mais mes forces s'épuisent et ma motivation aussi.



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