Il est également évident que pour redonner vie au quartier, il ne suffit pas de promouvoir un seul aspect du développement. L' « entrepreneurship » n'est pas la solution en soi. Pas plus que ne le sont les cours de formation professionnelle ou les placements commerciaux. Le PEP le sait par expérience. En dépit des résultats encourageants qui ont été obtenus dans le secteur des petites entreprises, ceux qui n'ont que peu d'années de scolarité, ceux qui n'ont que très peu d'expérience professionnelle et ceux qui sont au chômage depuis longtemps sont rarement en mesure de "créer leur propre emploi". Ce que ces personnes demandent au PEP de leur donner, c'est une formation, des conseils et surtout un emploi à leur mesure. Il faut pouvoir harmoniser les nombreux facteurs qui font marcher l'économie, soit coordonner la création des emplois et la formation, faire des placements bien pensés et bénéficier d'un soutien technique.
    Des projets de développement économique communautaire, comme le PEP, ouvrent de nouvelles portes aux femmes. Pour pouvoir aider les femmes, chefs de famille, vivant de l'aide sociale, à réintégrer le marché du travail il faut leur offrir le soutien de la collectivité ainsi qu'une formation professionnelle, deux choses que les programmes du gouvernement ne font pas. Les problèmes de la réintégration des femmes sont souvent intimement liés à la collectivité. À qui peuvent-elles confier en toute sécurité leurs enfants? Comment va réagir leur mari (ou ex-mari) alcoolique? À qui pourront-elles parler les soirs où elles douteront d'elles-mêmes et où l'anxiété les envahira? Le développement économique communautaire permet de se servir des ressources communautaires pour venir en aide aux femmes pendant cette difficile période de transition.
     D'un point de vue strictement féministe, l'instrument le plus puissant que le PEP a créé est sa capacité de démystifier tout le processus du développement économique et de montrer que des problèmes soi-disant complexes et hors d'atteinte ne sont pas en fait si difficiles à aborder. L'expérience du PEP a surtout permis à celles qui y ont participé de se rendre compte qu'en tant que femmes, et en tant que mouvement communautaire, elles avaient non seulement quelque chose à dire, mais qu'elles avaient aussi de nouvelles idées à proposer et de nouveaux moyens d'aborder les problèmes en matière d'inégalité économique.

Il y a cinq ans, il n'était pas question de discuter publiquement de l'avenir économique de Pointe St-Charles et du sud-ouest de Montréal. Aujourd'hui, ce débat est public, mais en plus aucun politicien ni aucun fonctionnaire n'envisagerait d'élaborer un plan sérieux sans y faire participer la collectivité. En outre, nombre de grands thèmes qu'a avancés la collectivité ont été repris par d'autres. Le développement économique communautaire est un outil précieux lorsqu'on veut démocratiser l'économie et peut-être est-il par là-même un instrument pouvant donner aux femmes une plus grande égalité sociale et économique, aujourd'hui et demain.

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Fermée en 1984, cette usine a été remplacée par des immeubles

Nancy Neamtan s'occupe activement du mouvement communautaire québécois depuis 1968. Elle est l'un des membres fondateurs du Programme économique de Pointe St-Charles et travaille à l'heure actuelle pour l'Institut de formation en développement économique communautaire (IFDEC).



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