Parmi les conséquences de cette formation, mentionnons une éducation générale limitée (histoire, géographie, économie ou sciences) et une absence totale de connaissances sur les femmes, leurs contributions et leur histoire. Le savoir transmis est un savoir d 'hommes sur leur monde et sur la façon dont ils voient ce monde.

Si nombre de femmes se sont mariées et ont arrêté leurs activités professionnelles dès le mariage9 ou à la naissance de leurs enfants, d'autres ont dû assumer seules leur subsistance. Même parmi celles mariées, beaucoup ont été obligées d'intégrer le marché du travail.

Quelle que soit la raison, ces femmes ont été handicappés sur le marché du travail en raison de leur formation limitée, voire déficiente. Il ne leur restait qu'à se perfectionner, à se recycler ou à recommencer. C'est ce que nombre d'entre elles firent sur les bancs des établissements d'éducation des adultes. Cette formation est à son tour teintée par sa masculinité. Les institutions de formation ont profité avec cette clientèle peu exigeante d'une manne lucrative. Elle a profité aussi au milieu du travail qui a bénéficié d'une main d'oeuvre à bon marché bien qualifiée. En revanche, les femmes n'ont pas eu accès ou peu à des postes intéressants ou n'étaient pas promues comme elles l'ambitionnaient parfois. Cette formation ne faisait que rendre le marché du travail accessible ou ne permettait aux femmes que de se maintenir en emploi.

La formation n'a pas toutefois pour but unique le marché de l'emploi. Nombre de personnes veulent acquérir de nouvelles connaissances pour le plaisir d'en savoir plus, pour améliorer leurs compétences autres que professionnelles (musique, peinture, art.), pour acquérir des compétences sur l'éducation des enfants, la nutrition, etc. Enfin, certaines cherchent à mieux comprendre le monde dans lequel elles vivent. Pour toutes ces raisons, les femmes ont eu à recourir à des réseaux de formation souvent non institutionnels car les connaissances qu'elles cherchaient ne sont pas inscrites dans les savoirs officiels ou y sont discréditées10.

C'est sans doute dans ces réseaux non institutionnels que les femmes ont été le mieux servies. Non gérée par des pouvoirs masculins, élaboré en fonction des besoins des femmes, la formation dans les groupes communautaires et dans les groupes de femmes a été pour les femmes de 50 et plus, communautaires et dans les groupes de femmes a été pour les femmes de 50 et plus, et est encore aujourd'hui pour les plus jeunes un lieu où la formation est adaptée à leur demande. C'est dans cette optique qu'il faut voir la formation offerte par les groupes de femmes. Que ce soient l'AFEAS 11, de la FFQ12, le Cercle des fermières, Nouveau Départ, les Cercles de lecture, etc., tous ces organismes ont pour objectif d'outiller les femmes en fonction de leurs objectifs de vie. Ils respectent leur rythme et leurs besoins. Ils ont aussi pour particularité de transmettre un savoir revu et corrigé en fonction de la situation des femmes et de transmettre des connaissances sur les femmes et leurs réalités quotidiennes. C'est donc dans des groupes de femmes que des milliers de femmes ont reçu leur première formation féministe, laquelle s'est conjuguée aux efforts politiques des gouvernements canadiens et internationaux.13

Toutes les femmes n'ont pas nécessairement fait des - démarches collectives, de groupe. Certaines ont mené leur quête de formation de façon autonome et seules. Ce sont alors les livres, les films, les conférences, leurs dialogues avec des amies, le théâtre, les chansons qui ont été leurs cahiers de formation. Elles y ont puisé les connaissances qu'elles recherchaient. Quête parfois systématique une fois les questions devenues claires et quête aussi au hasard de la découverte selon le parcours de vie. Elles ont également appris à travers leurs actions, chemin faisant.

Ce parcours d' autoformation, je l'ai étudié auprès de dix femmes14 , militantes féministes dans des groupes de femmes. Trois d'entre elles avaient 50 ans et plus. Elles ont acquis leurs connaissances sur les femmes précisémment de cette façon-là: en lisant, en écoutant, en regardant, en questionnant, en dialoguant, en contestant, en apprenant à voir ce qu'elles ne voyaient pas auparavant. Parfois seules, parfois en groupes, pas nécessairement de femmes ni féministes, parfois dans l'action politique ou encore au travail.



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