L'autonomie, un objectif pour chaque femme, est aussi un enjeu collectif du mouvement des femmes. Au Québec, le fait que les gouvernements financent en partie nos activités représente un avantage mais aussi un inconvénient pour les groupes de femmes. Assurément, c'est un avantage, gagné non sans difficultés et toujours remis en question, d'obtenir des subventions permettant d'avoir des intervenantes payées, des locaux et du matériel. Mais cela crée aussi des problèmes. Nous passons en effet un tiers de nos heures de travail, et parfois plus, à rédiger des rapports. Il y a aussi les coupures qui surviennent brusquement et bouleversent nos projets. Il y a enfin les priorités gouvernementales qui changent: une année, c'est la situation des femmes qui est la priorité, une autre année, celle des analphabètes, par exemple. Pour les subventions accordées aux femmes, une année c'est la violence qui est prioritaire, une autre année, c'est la santé. Il devient plus difficile de maintenir un plan d'intervention dans ces conditions. La récupération par les institutions Dans le mouvement des femmes, ce même phénomène se reproduit. Par exemple, le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour les femmes victimes de violence conjugale a mis sur pied une formation pour comprendre la dynamique de la violence en milieu conjugal et intervenir adéquatement. Le réseau gouvernemental de la santé l'a reprise, l'a redonnée à ses intervenantes en embauchant des spécialistes. Ces spécialistes viennent-elles du regroupement des maisons? Évidemment pas. Vous verrez aussi maintenant des sessions organisées par un appareil gouvernemental où vous pourrez apprendre en quelques heures à dépister la victime de violence dans votre milieu. Qui dit mieux? Un autre groupe imagine des moyens pour familiariser les femmes avec l'informatique. La première année, la formation est dispensée dans le cadre d'un collège d'enseignement du réseau scolaire, mais les années suivantes, on ne fait plus appel au groupe et on continue de dispenser la formation à des coûts moindres que ceux que le groupe peut proposer aux femmes. En fait, ce n'est pas tant la récupération en soi qui choque, même si elle constitue souvent une perte e de sens, mais plutôt la non-reconnaissance des acquis des groupes. Cette non-reconnaissance se traduit d'ailleurs en chiffres: le ministère de l'Éducation, depuis les coupures survenues au début des années quatre-vingts, a très peu augmenté les budgets des groupes populaires. On en compte plus de 600 qui se partagent à peine huit millions de dollars. En 1988, le financement des groupes populaires ne représentait que 0,18 % du budget du ministère de l'Éducation. Les groupes doivent donc se tourner vers le gouvernement canadien, mais là aussi on a sorti les ciseaux. La conjoncture québécoise |
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