Un rêve pour notre temps


par Monique Dumont

Un pas vers la résolution du problème de la violence consiste à oser faire face à la violence interne.

En tant que conseillère travaillant avec les femmes et les enfants victimes d'abus physiques et sexuels, je suis témoin de la violence, parfois extrême, qui habite les femmes. Celle-ci se révèle surtout dans le monde symbolique (les rêves, les cauchemars, les jeux, les dessins, les images qui surgissent dans l'inconscient sans que nous puissions les contrôler) parce que dans le monde conscient, il faut être "aimables." Les victimes d'abus apprennent à refouler leur colère et leur violence et se construisent par besoin d'adaptation et pour se faire accepter une personnalité ne correspondant pas avec ce qu'elles sont vraiment (1). A mon avis, la résolution du problème social de la violence consiste en partie à se regarder et à oser faire face à la violence interne.

Dans mes rapports avec des femmes survivantes d'abus sexuel, j'ai pris conscience que la plupart d'entres elles font fréquemment des rêves ou des cauchemars très puissants. Une étude menée par Patricia Garfield (2) sur les pires cauchemars que font les adolescentes victimes d'abus sexuels m'a permis de comprendre les émotions d'impuissance, de terreur, de honte, de culpabilité et de haine qui caractérisent le monde symbolique de ces jeunes femmes. Si ces émotions restent emprisonnées dans le psychisme, il y a blocage ou fixation dans le développement de la personnalité. Bloquées dans leur créativité et dans leur potentiel énergétique, les survivantes ne peuvent pas briser le cycle de l'abus ou participer à la construction de nouveaux paradigmes sociaux où la domination du pouvoir paternel sera remplacée par un nouveau rapport des sexes.

Nous savons que les traumatismes causés par des abus dans la petite enfance façonnent une structure psychique qui ressemble à ce que Jung a appelle l'ombre ou le côté négatif de l'être (3). Ainsi la femme violentée a grandi avec l'impression d'être souillée et se sent responsable de ce qui lui est arrivé. Enfant, elle est souvent condamnée au silence. Le secret étant souvent maintenu par sa famille, elle se sent trahie par ses proches. Cette première trahison engendre un manque de confiance vis-à-vis des relations intimes et des hommes. Ainsi, à l'âge adulte, elle s'isole par peur de l'intimité et développe souvent un besoin exagéré de contrôle.

A Dream for Our Times

by Monique Dumont

My work with survivors of physical and sexual abuse has shown me that often these persons are inhabited by violence themselves in the form of anger and rage. These emotions are often blocked and inhibit the development of these individuals and have negative consequences for their adult relationships. Survivors need to learn how to redirect their very legitimate anger away from themselves in order to avoid recreating destructive lifestyles. It is only through taking hold of these emotions and directing them towards that which is actually responsible for the abuse - a sexist, elitist, materialist and hierarchical system of patriarchal values which does not acknowledge the feminine - that a process of healing can truly begin. Through examining the symbolic language of one survivor's dream, we can note the disequilibrium in her potential for both destruction and liberation. We can follow part of the path of her healing, towards a new conscience nourished by the knowledge of her desire to be well.



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