Ce que les
informatrices
ont appris
pendant leur
enfance, elles le
reproduisent
généralement
dans leur
famille

En moyenne, les mères que j'ai interrogées ont eu sept enfants et se sont fait aider durant leurs relevailles par d'autres femmes. Plus de sept mères de famille ont eu des domestiques, qu'elles nomment "des servantes". Les habiletés de la reconnaissance des acquis: travail d'équipe et gérer des ressources humaines. De plus, onze des dix-neuf mères de famille ont reçu un coup de main de leur mère, de leur belle-mère, de leur soeur ou de leur belle-soeur pour se remettre de leurs accouchements. Les habiletés de la reconnaissance des acquis: utiliser des arguments pour convaincre les autres, travailler sous pression et déléguer des responsabilités pour l'accomplissement d'une tâche. Quand les mères ont recours à de l'aide extérieure, elles choisissent des jeunes filles de langue française:

J'engageais une fille après mes accouchements. Dans c'temps-là, on payait 10 piastres par mois. J'avais une fille pour un mois à peu près. Quand j'étais à l'hôpital, pis un p'tit peu après. C'est toute l'aide que j'avais besoin. J'ai toujours eu des accouchements assez faciles. Vous savez, j'sortais d'l'hôpital, j'étais comme neuf ...(Rires). J'tais prête à r'commencer (Rires). Les filles qui v'naient, c 'tait des Canadiennes françaises, mes enfants parlaient pas anglais... Fallait quelqu'un les comprenne. (15)

Pour elle, L'habileté de la reconnaissance des acquis: se respecter soi-même, sa langue et sa culture. Et ce, en milieu minoritaire, ce n'est pas toujours évident comme vous le savez.

Et quoi d'autre?
Les femmes ne contribuent pas seulement aux relations humaines, mais aussi au bien-être matériel de leur famille. Par exemple, deux informatrices faisaient de la couture pour les autres femmes de leur milieu afin de gagner de l'argent. Une autre avait pris contrôle de l'argent qu'elle gagnait: "C'est moé qu'ya eu l'idée d'ach'ter les 300 poules pour gagner de l'argent. J'apportais pas mon argent à maison. J'allais l'porter à banque parc'que que lui y buvait." (L'informatrice I 7) Même si elles ne sont pas rémunérées, les Franco-Manitobaines apportent une grande contribution sur le plan financier.

Ce que les informatrices ont appris pendant leur enfance, elles le reproduisent généralement dans leur famille.5 Des miliers de gestes répétés inlassablement, comme leur mère et leur belle-mère avant elles, composaient leur quotidien. Comme le dit si-bien l'une d'elles: "Toué jours, c'tait la même affaire: le ménage à faire, les enfants à avoir soin, les repas à faire. Ça prenait ben du temps ça" (I 3). Les habiletés de la reconnaissance des acquis: suivre un plan d'action pour atteindre des objectifs ainsi qu'établir un horaire et le respecter. Voici un autre exemple:

Oui, si on était organisé!!! On commençait nos journées d'bonne heure. Ah oui, j 'mettais chauffer mon eau l'dimanche soir. Ça fait qu'à 4 h 30 - 5 h, j'étais en train de laver. Laver mon linge. Par 7 h 30, quand mes enfants s'levaient, j'avais tout fini. P't'êtr'ben qu'y fallait qu'j'étende mon linge dehors, mais tout était lavé. Si j'tais organisée !!! (I 14)

5. Voir à ce sujet, Monique Hébert, D'une génération à l'autre, la transmission du rôle maternelle au Manitoba français, 1916-1947, Ottawa, Publications de l'ICREF, à paraître automne 1995.

6. Susan Strasser, Never done, A History of American Housework, New York, Pantheon, 1982, p.32.

Pour elle, les habiletés de la reconnaissance des acquis: analyser les tâches et établir des priorités ainsi que gérer son temps efficacement.

La reproduction de la vie matérielle, faire la cuisine par exemple, est ardue, puisqu'il fallait, à l'époque transformer toutes les denrées de base.6 Et l'une des tâches de cuisine qui revient d'année en année est celle reliée aux battages: certaines informatrices ont abondamment parlé de la tâche de nourrir les batteux.

Ah, les battages ... c'tait toute une ... une saison ça. Fallait s'préparer d'avance ... pis d'un coup ... "Quand est-cé qui vont v'nir? Ben y vont p't'êtr' v'nir vendredi." Wouin, n'importe quel jour, toujours ben fallait s'préparer. Pis y 'avait une vingtaine d'hommes. Une grande table comme ça, pis y 'arrivait un lot d'hommes. Fallait s'dépêcher. Pis après ça, dans 'près-midi, fallait aller leu porter un lunch, dans un plat à pain comme ça, pis c 'tait plein d'sandwichs, là. Pis là, c'tait l'fun là. (Rires) Les hommes étaient toutes assis à terre dans l'champ à côté d'la machine-là pis c'tait l'fun, les battages ... (Rires) Ah ben oui, entendu qu'y restaient pas trop longtemps. (Rires). (/9)



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