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De fait, ces personnes demandent aux immigrantes, aux immigrants non de s'adapter pour s'intégrer, comme elles le prétendent, mais de s'assimiler à la culture dominante: abandonner leur culture pour devenir comme "nous". Dans une perspective véritablement interculturelle, l'intégration se veut plus nuancée: elle suppose une adaptation mutuelle des cultures, un échange qui entraîne un ajustement des valeurs et des comportements que l'on choisit parce qu'ils répondent à la vision de la vie et des rapports humains. Une telle intégration suppose donc une connaissance plus qu'épidermique de l'autre et de ses valeurs, de sa culture.

Dans une
perspective
interculturelle, l'intégration
suppose une
adaptation
mutuelle des
cultures, un
échange qui
entraîne un
ajustement
des valeurs
que l'on choisit
parce qu'ils
répondent à
la vision de la
vie et des
rapports
humains.

Les aspects d'autres cultures qui relèvent d'attitudes, de comportements ou de valeurs, peuvent remettre en question nos propres attitudes, comportements ou valeurs, et nous ne sommes pas toujours prêts à nous laisser interpeller sur ce plan. Nous avons tendance à en voir l'aspect menaçant et à fermer les yeux sur ce qu'ils peuvent avoir d'enrichissant. Prenons un exemple.

Dans nos sociétés nord-américaines, nous établissons souvent des contacts purement fonctionnels avec les gens. Ne vous est-il pas compte que vous n'aviez aucun souvenir de la personne à la caisse: était-elle jeune ou moins jeune, grande ou petite, rondelette ou mince, etc. Vous seriez tout à fait incapable de la décrire même de façon très sommaire: vous ne l'avez pas remarquée, parce que vous n'avez été attentif qu'à sa fonction. Et si elle l'a bien remplie, si elle a mis la bonne marchandise dans les sacs et vous a remis la monnaie exacte, vous l'avez oubliée sitôt sa fonction terminée.

D'autres sociétés ont l'habitude de contacts plus personnalisés et les immigrantes, les immigrants qui en sont issus ressentent durement la dépersonnalisation que des rapports uniquement fonctionnels leur impose. Dans des contextes éducatifs, en particulier, il est important de prendre le temps d'établir d'abord ces rapports personnels, de traiter les gens comme des personnes: les saluer, leur faire parler de ce qu'ils vivent, de leur expérience, échanger avec eux sur un plan humain avant d'aller au but fonctionnel de la rencontre. Ils se sentent alors respectés comme personnes et entrent ensuite plus facilement dans la relation pédagogique recherchée par les éducatrices, les éducateurs.

L'éducation et les cultures

L'éducation des adultes se veut basée sur la réalité que vivent les personnes en formation, pour les aider à la comprendre et à la changer. Dans cette optique, elle peut être mise à profit pour faire connaître la situation que vivent les personnes venues d'ailleurs et leur donner l'occasion de faire connaître leurs cultures d'origine de façon systématique, en dépassant les clichés ou le folklore. Dans ce but, ces cultures peuvent servir de thèmes de travail, comme elles peuvent servir de thèmes de projets. Prenons ici à deux exemples très intéressants, l'un, canadien, et l'autre, italien.

À Toronto, un groupe travaillant avec des femmes immigrantes a élaboré avec elles un outil de formation (Barndt et al. 1982) centré sur les démarches à faire dans la recherche d'emploi et sur la formation des femmes. l'outil présente des "photos-romans" préparés à partir de leur expérience et qui servent de base pour discuter des difficultés qu'elles éprouvent dans ces démarches. Voilà une façon de faire connaître.

Le second (Omenetto et Favaro 1986) a été produit à Milan par un groupe d'Érythréennes qui désiraient faire connaître autour d'elles leur réalité tant dans leur pays d'origine qu'à Milan même. Par le biais de textes et de photos, le livre présente les raisons de l'immigration de ces femmes, leurs formes d'insertion, leurs traditions; trois chapitres montrent leurs lieux de rencontres à Milan (la fête, l'école, la réunion) et des moments et des gestes du quotidien (la cuisine, le repas, le rite du café, la couture, la coiffure).

L'intention de ces deux travaux était d'utiliser des situations de la vie de ces femmes, dans le premier cas, pour faire comprendre leurs difficultés dans le pays d'accueil lorsque vient le temps de chercher du travail et, dans le second cas, pour faire connaître leur communauté à une population majoritaire, généralement insensible et indifférente aux autres cultures. L'aspect pédagogique est évident et les deux livres servent à comprendre les réalités, les valeurs et aussi le courage de ces femmes venues d'ailleurs.

D'autres projets du même ordre sont possibles dans les classes d'adultes. Trois thèmes peuvent en particulier y être explorés1 : la transmission de leur culture à leurs enfants et à leurs petits-enfants, la connaissance des cultures et le travail.



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