Pourtant, certains d'entre eux y habitent
depuis quatre siècles...

Les francophones ont été les premiers colons de cette province. D'autres ont quitté le Québec ou l'Acadie dans les années trente pour venir travailler en Ontario car il n'y avait pas de travail dans ces régions. Ils sont arrivés en Ontario, pauvres, démunis, chargés d'enfants et ils furent obligés de parler anglais pour travailler. Les écoles se développèrent au gré des villages qui naissaient. Trop pauvres, les enfants n'allaient pas à l'école bien longtemps.

Les filles travaillaient dans les foyers anglophones, gardaient les enfants et servaient de bonnes à tout faire. Les garçons travaillaient dans les fermes ou les mines, les forêts, les moulins à papier et les manufactures. Faute d'argent, il leur était impossible de poursuivre des études secondaires car à l'époque celles-ci n'étaient pas gratuites. Il n'était pas nécessaire d'être très instruit pour travailler et la priorité était de gagner sa vie et de manger trois repas par jour, pour être forts et en bonne santé. Le règlement 17 avait interdit le français dans les écoles de l'Ontario.

Les écoles publiques francophones n'existaient pas jusqu'en 1968. De plus, les livres étudiés dans les écoles primaires et secondaires étaient en anglais, même dans les écoles privées, également soumises aux règles ontariennes. Seul le catéchisme était enseigné en français.

Beaucoup d'enfants ne faisaient pas d'études secondaires, soit faute d'argent, soit parce que les études en anglais semblaient trop difficiles. Les autres, plus fortunés, plus ambitieux et de parents plus instruits, qui de toutes façons s'inscrivaient dans une université anglophone, décidaient de s'y mettre tout de suite.

Il n'était d'ailleurs pas question de travailler en français. C'est ainsi que, petit à petit, une bonne partie de la population se retrouve aujourd'hui marginalisée en Ontario.

Marginalisée et analphabète.

Le rôle des femmes dans la marginalité d'un peuple qui veut survivre En dépit des difficultés en matière d'éducation, il y a quand même aujourd'hui une majorité de la population franco-ontarienne qui, a non seulement survécu, mais a aussi réussi à développer une culture typiquement franco ontarienne. Bien qu'issue de France, d'Acadie, du Québec, cette culture est devenue grâce à l'esprit créateur et à l'inspiration des femmes et des mères de cette province, une culture qui leur est propre et exprime parfaitement leur identité.

Ces femmes ont su transmettre à leurs enfants une culture originale qui reflète bien la fierté de leurs origines. Pourtant, combien de ces femmes étaient analphabètes? Analphabète ne veut pas nécessairement dire privé d'intelligence.

Pendant les années difficiles, les femmes de cette province, par la tradition orale, ont réussi à garder vivante la langue parlée, les chansons, les traditions et les coutumes de chez nous ainsi que le sens de la fête comme un rituel éclairant les saisons.

Micheline St-Cyr
Micheline St-Cyr est la présidente de la Société des
écrivains canadiens (section de Toronto) et coordonnatrice
et formatrice à Alpha Toronto. Elle est aussi membre du
bureau de direction du RGFAPO.
Elle a été la fondatrice de la Chasse Galerie de Toronto et
en fut la directrice pendant dix ans.


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